Fanette Mellier pousse les techniques de fabrication jusqu’à leurs limites et transforme des triangles, traits et cercles en une merveille de poésie.
À première vue, ce petit ouvrage sans paroles contient une collection de douze mini-tableaux abstraits, composés de triangles, de traits, de cercles, rappelant certaine œuvres d’artistes du Bauhaus comme Paul Klee. Mais, en tournant les pages, on s’aperçoit qu’en transparence, les cadres deviennent bassins, les formes se changent en méduses, en raies, en sardines, en algues. On observe aussi le papier passer insensiblement du bleu marine au vert sombre.
Fille d’un imprimeur, Fanette Mellier, qui conçoit par ailleurs des affiches d’exposition et des documents de communication pour des institutions culturelles, est une des graphistes d’aujourd’hui les plus captivantes. Cette coloriste aime pousser les techniques de fabrication jusqu’à leurs limites, transformant les contraintes en sources d’invention.
Une initiation à l’art
Après un album aux croissants de lune irisés et un papillon éblouissant aux ailes de carton, elle est cette fois parvenue à créer une ambiance aquatique verte ou bleutée d’une grande justesse. Par des combinaisons de touches colorées ayant nécessité de multiples étapes d’impression, elle obtient de superbes effets de profondeur.
Son livre-objet, qui demande un peu d’explications pour être bien compris, est autant une initiation à l’art et à la couleur qu’aux secrets de l’atelier, qui est l’endroit où Fanette Mellier se sent le mieux. Il faut passer son doigt sur les parties brillantes, apprécier les différentes épaisseurs et qualités de papier, remarquer les dorures, observer recto-verso la perfection des calages… Pas étonnant que ce travail de miniaturiste soit édité par une petite maison de Strasbourg, la ville où Gutenberg commença à inventer l’imprimerie.
Article de Xavier de Jarcy paru dans Télérama N°3801 du mois de janvier 2019.